1573, que s'est-il passé ?

Performance, atelier participatif, installation, son, photographie, dessin, marche, cueillette, réemploi

Juillet 2023, le Saix
Résidence artistique


En résidence dans le cadre du programme été culturel, nous avons été accueilli·es cet été à la ferme du Faï du Village des Jeunes. Pendant deux semaines, nous avions l’envie de découvrir ce nouvel environnement et de nous questionner sur nos interactions avec les paysages et les vivants qui y habitent. De l’histoire, presque fantastique, d’une comète ayant traversé le ciel il y a plusieurs siècles, nous sommes revenus à l’essentiel. Contemplative, magique, scientifique, utilitaire, poétique, nous avons exploré ces différentes approches par l’expérience et l’apprentissage. Pour notre sortie de résidence, nous avons mis en récit et performé ce cheminement de pensées lors d’une déambulation qui invite à regarder, écouter, divaguer dans les relations que nous avons tissées avec les alentours. Une fresque collective qui déroule textes, sons, peintures, installations et photographies.

Les ateliers de transmission

Dans le cadre de la résidence, les ateliers de transmission ont été envisagés dans le cadre d’une performance scénique et jouée à travers laquelle les publics, majoritairement des groupes de jeunes, étaient mis au centre d’un récit fictionnel que nous avons développé pendant notre projet. Les interventions invoquaient différentes approches et médiums dont le but commun était de s’interroger sur le passage d’une comète aux alentours du Faï en 1573. Entre fiction et réalité, absurde et mathématique, nous avons tenté d’explorer différentes approches en déjouant les codes et nos manières d’interagir avec l’environnement. Pour ce faire, nous avons imaginé un parcours composé de différentes étapes et expériences que nous avons performé avec les participant·es.

Un mauvais présage

Les jeunes sont d’abord invités à regarder une vidéo mystérieuse.

Les Vagabondes du Gouravour
Les Vagabondes reçoivent les différents publics pour un tirage de carte divinatoire où les figures invoquées sont celles des espèces végétales et animales qui entourent le Faï. Peints sur des rectangles en contreplaqué, différents lieux autour de la ferme et personnages, aussi mystiques que réalistes, se dévoilent à travers les cartes. Le tirage donne lieu à la création d’histoires faites des réalités du territoire tout en développant un imaginaire propre à chacun·e.

L’épreuve des trépieds stellaires
Par de savants calculs sur la taille, la forme, le poids, un binôme de scientifiques excentriques et farfelus tentent d’accompagner les publics à percer les mystères de la comète de 1573, dans leur laboratoire fictif et avec des outils de mesure construits en branches de frêne récoltées, écorcées et assemblées avec différents autres objets (ficelles, gongs, boulons).

La performance finale

Performance d'une cueillette de lavande au milieu de bosquets accompagnés d'un récit sonore. Plus loin dans la déambulation les publics sont invités à déguster un sirop de lavande transformé par nos soins à partir de la lavande trouvée sur place, rituel d'entrée dans la cérémonie qui clôture la performance. 1.cueillette de lavande performée au milieu de bosquets bien garnis 2.quelques mètres après, une extraction de pigments performée via des roches trouvées sur place à 3.l’entrée de la cérémonie 4.nous accueillons les publics à boire un sirop de lavande transformé par nos soins à partir de la 5.lavande trouvée sur place 6.un kakémono se déroule sur le passage des publics, il laisse apparaître un gerris géant peint à 7.partir d’encres végétales transformées sur place 8.de tous côtés, des mots de Jean Giono se lisent et s’écrivent sur les roches de la rivière avec des pigments minéraux 9.arrivée jusqu'au lit de la rivière hommage à l’eau qui coule avec un mini rocket stove sur la structure trépied 10.la performance se termine par une projection de photos qui invoquent la décomposition et l’imaginaire autour des vivants

« Mais que vient donc faire là Terrains Vagues, arpenteur·euses du béton, nourri et logé en PACA, transporté jusqu’ici à grand renfort de gasoil et d’autoroutes ? D’abord éblouis et hypnotisés, puis aveuglés et effrayés par les verticales falaises, les orifices éléphantesques et le sadisme des vertes sauterelles croquant les mouches bleutées : nous avons décidé de tout conquérir. Un seul sujet semblait valoir notre énergie, que nous pensions encore devoir préserver précieusement. Le poids du passé, l’infinité des champs d’étoile, la promesse d’un avenir galactique, la réponse aux questions mystiques… le passage d’une comète… voilà ce que nous devions analyser. Pour cela, nous nous sommes efforcés de suivre les préceptes de Socrates : “L’Homme doit s’élever au-dessus de la Terre, car ce n’est qu’ainsi qu’il pourra comprendre pleinement le monde dans lequel il vit.” Trois techniques furent alors déployées : l’enquête journalistique, la technologie quantique et le tirage divinatoire. Les deux premières, imbues d’elles-même, accompagnées de leurs sources, formules, témoignages et théories fondamentales ne nous offrirent pas les réponses attendues. Sous prétexte de rigueur, nous devinrent rigides. L’excuse de la précision nous éloigna de la lecture tant attendue des spécificités terrestres. Notre ambition n’était que mensonge. Paradoxalement, seule l’expérience la plus hasardeuse sût apporter les avancées escomptées. Le présage des cartes était doux, ouvert et imaginatoire. Nous pouvions parler en mouton, sonner en goutte et communiquer en chêne, hêtre ou saule. “Vous… vous entendez le champ du monde ?” aurait dit l’autre… Une phase un peu béate provint alors : nous nous trouvions joyeureuses et petites du haut de la montagne, nous sentions l’odeur d’humus des papillons de nuit, nous parcourions les sentes dessinées par le corps lourd des chamois et regardions les noisettes bulant de l’arbre. Mais cette posture d’observateur·ice ne nous convint pas encore. Elle réifiait une nature supposée intouchable, exempte de défauts, figée dans son parc naturel et décimée sans vergogne à quelque encablures. Finalement, nous choisirons la voie collective, celle de l’interaction. Le frêne est cueilli, la lavande taillée soigneusement, la roche transformée en pigments pour signifier… ailleurs, l’argile est séchée par le soleil non loin de son lit et le thym parfume l’air au-delà de ses contreforts rocheux. Nous voulions tout, maintenant, et nous n'eûmes que presque rien, mais pour toujours. »